LAURIS - 1964 - 1967
Pendant cette période, nous nous étions déplacés d'une cinquantaine de kilomètres pour aller vivre dans le Lubéron qui n'était pas encore un lieu à la mode !!!
Assistant un jour inopinément à une vente aux enchères à Lauris en Vaucluse, nous devenons propriétaires, pour un prix dérisoire, d'une maison sans l'avoir visitée. Elle se révèle être une demeure très ancienne, très grande, en doubles voûtes de pierres blondes dans son état encore moyenâgeux - un patrimoine architectural qui a été par la suite inscrit aux monuments historiques.
Village de Lauris |
Un rêve pour des amateurs d'ancien qui s'est transformé en une véritable passion mais qui nous a demandé beaucoup de courage et de persévérance pour la sauvegarder et la restaurer - toute une vie - ce qui est toujours le cas actuellement.
Maintenant je dois continuer toute seule à la tenir debout pour perpétuer le souvenir du lieu de vie et d'inspiration de mes deux plasticiens d'exception, Vincent et Louis …
DESSIN VINCENT | LOUIS ET "DAISY" |
Quelques travaux avaient été entrepris pou la rendre habitable sans surtout toucher à son âme et à son état d'origine.
Pendant ce temps, nous migrons vers différents lieux, ce qui permet à Louis de diversifier son inspiration avec un séjour dans un couvent dominant Forcalquier où il a peint ses rues aux hautes maisons et leurs intérieurs.
Il s'est intéressé aux superbes paysages des environs si changeants à chaque saison et il a aimé particulièrement peindre les beaux hauts plateaux du Contadour, si sobres et si mystérieux. Il pouvait transposer des images de lieux glanés au fil de ses promenades avec les récits descriptifs de Jean Giono qui y avait organisé des rencontres pendant plusieurs années.
En évoquant Forcalquier, il est impossible de ne pas se souvenir d'un de ses célèbres natifs Lucien Henry "Lulu" aux multiples facettes qui faisaient de lui peut être un personnage peu recommandable, mais ses nombreuses qualités compensaient ses dérives !!
Il attirait dans sa galerie "Le Clou" des personnalités internationales, par son érudition, sa passion des arts et de la cuisine, ses écrits, sa joie de vivre. Collectionneur avisé et habile marchand, il était difficile de travailler avec lui ...
Lulu devant la fontaine de la place Saint Michel. |
Une vente était l'ouverture d'histoires rocambolesques parfois bien déplaisantes qu'il arrivait à contourner à son avantage par des pirouettes et des pitreries. Cet être "rare" a certainement joué un rôle dans la vie culturelle de la Provence pendant sa vie écourtée.
HOMMAGE A LULU EN 2006 |
Puis, nous passons quelques semaines en Camargue, où Louis aimait oeuvrer sur nature pour bien saisir ces vastes étendues marécageuses pointillées de roseaux blonds où l'eau est sans cesse présente.
Souvent ses toiles ont très peu de ciel, mais une grande partie de terre entrecoupée de marais dont il peignait les multiples matériels entremêlés et transportés par le Rhône vers ce lieu vivant en harmonie avec une nature équilibrée, berceau d'une faune abondante.
Un monde minéral qui semblait se mouvoir et attirait le regard de l'amateur qui pouvait s'y promener en rêvant. Il lui procurait alors une émotion inscrite à jamais dans sa mémoire.
Nous faisons aussi des séjours à Marseille où il pouvait retrouver son inspiration initiale de la mer avec de nombreuses marines et des natures mortes.
Il aimait aussi sculpter des mascarons en pierre pour orner les bassins.
Enfin, nous nous installons à Lauris dans notre maison de la Bourgade dominant la Durance - "la vallée heureuse" - comme disait Albert Camus.
Ce merveilleux fleuve qui n'avait pas encore été saccagé et où il était agréable de s'y baigner autour de ses ilôts arborés qui étaient le refuge naturel des oiseaux et d'animaux divers.
Le peintre Paul Guigou, vauclusien, venait y poser son chevalet.
Lauris peint par un des quatres gendarmes résistants |
De la fenêtre de son atelier il apercevait un des plus beaux campaniles de Provence et la vaste plaine qui s'étendait majestueusement avec, tout au loin, les Alpilles bleutées.
Formant un éperon à ce niveau, le Lubéron protégeait du mistral le village qui possédait un lieu magique de petits jardins sourcés, clos de murs moyenâgeux, à la végétation luxuriante et ensoleillée.
"Les grilles" - qui étaient pour la plupart le prolongement des demeures bourgeoises.
En 1967, par un hasard opportun, nous acquérons un de ces jardins pour que notre séculaire et vénérable maison retrouve entièrement son identité.
Le Lubéron, cette montagne impressionnante qui ressemble à un énorme animal couché, apportait un contraste étonnant avec la Haute Provence sobre et méconnue malgré sa proximité.
Ses couleurs pimpantes, la richesse de ses grands champs fertiles et ses paysages somptueux changeant à chaque saison de couleur et toujours englobés par une lumière dorée, la beauté d'une nature spontanée et un art de vivre mythique, attirent depuis de longues années les plus grands de la peinture, de la poésie, de la littérature, de la musique, du théâtre "des artistes en tout genre" mais aussi des personnalités politiques.
Ses superbes villages de pierres taillées, perchés et fortifiés pour faire face aux terribles guerres de religion qui se sont déchainées au cours de siècles où les massacres étaient tellement abominables qu'ils sont encore présents dans les mémoires.
Par exemple, le terrible catholique Maynier d'Oppede qui avait simplement traversé la montagne pour venir massacrer les habitants protestants de Merindol.
La population marquée par la mort qui pouvait être si subite vivait pour l'oublier le jour mais encore plus la nuit dans une ambiance festive avec des idées d'indépendance et de liberté.
Peut être, elle subissait aussi l'influence des fantasmes démoniaques et sulfureux des fêtes érotiques de Donatien Elzear "Le marquis de Sade" résidant au coeur du Lubéron en son château de Lacoste. Lui aussi a lutté pour sa liberté d'expression et sa liberté tout court car il a passé la moitié de sa vie en prison ou en hôpital psychiatrique.
"... Il résulta de ces bacchanales nocturnes ..." |
Louis a peint ces années là, ses plus beaux paysages où le végétal inextricable et les arbres majestueux s'entremêlent dans une harmonie absolument parfaite avec une perspective toujours présente et l'apport de la lumière éclairant les moindres détails, un univers pictural à la mesure de son imaginaire. Il avait trouvé ce qu'il aimait le plus, les horizons et les collines nimbées de bleu ....
En 1964, il gagne le premier prix de la "Chorégie de la Ville d'Orange" et expose à la Galerie "Art Présent" d'Orange en Vaucluse.
La même année, il participe, pendant l'été à Cadenet en Vaucluse, au "7 ème salon de Peinture et d'Arts Décoratifs" où il retrouve quelques uns de ses confrères marseillais.
Village de Cadenet |
En lisant la liste des participants à cette exposition, il est surprenant d'en constater la richesse pour un petit village qui était à cette époque rural !!