MARSEILLE - 1928 - 1956
Louis Trabuc est né à Marseille le 2 Août 1928 au 6, Boulevard Cassini, d'un père fonctionnaire et d'une mère au foyer.
Le Boulevard Cassini est très proche du Jardin Zoologique - il disait qu'il voyait la tête de la girafe par sa fenêtre.
Ce lieu magique et ludique où tous les petits marseillais venaient rêver devant des animaux venus d'ailleurs, était pour lui "son jardin" et il lui a inspiré ses premiers dessins.
Jouxtant ce parc, le Palais Longchamp qui cache en fait le château d'eau alimentant la ville de Marseille depuis la Durance.
L'architecture monumentale de ce complexe a révélé en lui son regard critique de l'art officiel.
Ce Palais abrite le Musée des Beaux Arts où il se souvenait avec émotion d'y avoir vu ses premiers tableaux avec la conviction que son avenir serait d'être artiste peintre.
EMILE LOUBON | PIERRE PUGET |
Dès sa prime enfance, il a ressenti un mal-être qu'il n'arrivait pas à définir. Il portait le prénom de son frère décédé à la naissance ; un être qui avait déjà une identité qu'inconsciemment il lui avait volé. Il subissait une souffrance morale et il disait :
" je suis toujours à la recherche de quelque chose".
Shull 1976 |
Salvador Dali avait eu aussi un frère décédé dont il portait le prénom. Andy Warhol avait le même problème par rapport à une soeur aînée "Justina" disparue, ce qui explique son "ambiguïté". Un journaliste a dit de lui : "Le Thème de la Mort, de la disparition, de la perte n'a cessé de hanter ses créations".
Complètement incompris par ses parents, dont le quotidien était pour sa mère la propreté et pour son père le travail et la religion, cet hypersensible a reçu une éducation rigide et sans affection loin de ses rêves de créativité.
OEUVRE DE JEUNESSE A 15 ANS
Il a eu beaucoup de mal à se construire moralement et artistiquement avec en plus cette détresse psychologique qu'il a transmise à ses premiers dessins bien souvent cafardeux, dont ce croquis de cimetière !!!.
Pourtant, il aurait du penser que la seule chose qui résiste à la mort, c'est l'art !!!.
Une grande partie de sa personnalité était détruite par cette ombre funeste qui le torturait avec sans cesse la hantise obsédante de sa propre mort.
Il aurait du prendre conscience de son talent au lieu de douter de son cheminement pictural afin de surmonter ce malaise qui a beaucoup contribué à le "bloquer" toute sa vie.
Mais qu'il se rassure, au-delà de ses incertitudes, il nous laisse sans aucun doute "la trace" de son oeuvre originale et mystérieuse ; l'empreinte que tous les créateurs talentueux ont le privilège de transmettre aux générations futures et aussi leur immortalité.
Il passait ses vacances à Thoard, charmant village des Alpes de Haute Provence, qui a influencé ses premières oeuvres avec des paysages, et des scènes champêtres.
Elève médiocre, malgré ses capacités intellectuelles, son seul désir était d'aller à l'Ecole des Beaux-Arts, ce qui était incompréhensible pour son père pour lequel l'avenir était d'avoir une situation.
Il le met, à l'âge de 15 ans, en apprentissage dans les Etablissements des frères Biagioni comme peintre ... en bâtiment, à son grand désarroi !!!.
Au bout de quelques mois, il fugue et il obtient enfin cette inscription tant désirée. Il reconnaissait que cette expérience lui avait permis d'apprendre toutes les techniques pour peindre parfaitement ses tableaux en utilisant le meilleur matériel.
Jean Vezien, Directeur des Beaux-Arts, le remarque pour ses compétences talentueuses.
Il obtient en 1949 le prix "Claverie" et en 1950 le prix "Stanislas Torrents".
Après quatre années d'étude interrompues par deux années de service militaire en Allemagne, il expose ses premières toiles à la Galerie du Vieux Port avec ses confrères, les Marseillais, Hubert Aicardi (1922), Jean Arène (1927), Catoni, Louis Griffet, Max Fabre (1928), Jean Fusaro (1925), Henri Mella (1935), François Ozenda (1923), Louis Pons (1927), Michel Raffaeli (1928), Vincent Roux (1928), Pierre Trofimoff (1925), et ceux venus d'ailleurs, Jean Dubreuil (1920), Jacques Bruxeille (1929), Michel Pourteyron (1938), Jonathan Zutter (1928) etc ....
Les amateurs d'art suivaient avec beaucoup d'intérêt la naissance de ce renouveau pictural de ces jeunes et réels talents à l'élan irrésistible et ils leur apportaient un soutien moral et quelquefois pécunier !
Tous ces jeunes gens qui étaient nés avant la dernière guerre mondiale avaient connu pendant leur adolescence, les privations alimentaires, la liberté réduite par l'occupation allemande, les bombardements avec des visions d'horreur et la démolition de certains quartiers de leur ville, Marseille.
Malgré ces souvenirs tragiques qui les avaient certainement marqués, comme l'avait été Bernard Buffet, leurs oeuvres étaient devenues plus libres, plus fluides avec des couleurs harmonieuses et raffinées en ajoutant l'imaginaire et le rêve ! Ils étaient sortis de la mode des peintures en usage en Provence et ils se détournaient de certains maîtres provençaux, nés à la fin du XIX ème siècle tels que Alfred Lesbros, Mathieu Verdilhan, Auguste Chabaud etc ... qui emprisonnaient leurs paysages de durs cernes noirs.
La génération précédente, qui excellait elle aussi, avait beaucoup de sympathie pour eux et ils se réunissaient au "Peano" sur le Vieux Port pour boire le pastis avec le "Pape" Pierre Ambrogiani (1907), dessinateur prodigieux, ses frères Pascal et Toussaint, Jean Frédéric Canepa (leur professeur), Antoine Ferrari (1910), Richard Mandin (1909) etc ...
Pierre Ambrogiani "Les toréadors" |
En Provence, vivaient aussi le peintres Eugène Baboulène, Charles Camoin, Denise Bourdouxhe, Pierre Daboval, André Masson, André Marchand, Guerrier, Max Papart, Michel Pourteyron, Mario Prassinos, Franz Priking, Antoine Serra etc ...
Je n'oublie surtout pas le maître Edgar Melik (1904) aux personnages somptueux et fantastiques, retiré en son château de Cabriés avec ses lévriers, qui détestait les marchands d'art avec raison, d'où pas de "cote", la ridicule "cote" qui est leur invention financière souvent politisée qui n'a rien à voir avec la valeur et le talent d'un peintre, d'un vrai peintre et pas celui qui fait des cadres !.
Edgar Mélik - Autoportrait |
Combien ont connu la gloire de leur vivant puis, sont oubliés et d'autres morts parfois misérables et inconnus pour être honorés souvent des années ou des siècles suivants et nous apportent l'enchantement de leurs merveilleux tableaux. C'est le futur qui fait le génie...
En 1950, il expose avec ses amis à la Galerie Chave de Vence, qui était une première hors Marseille. Un public curieux vient visiter et apprécier cette jeune peinture mais sans grand succès financier. Il avait été le seul à vendre une petite aquarelle.